(source Pôle Emploi)
La crise européenne de la dette et de l’euro est-elle en train de remettre en cause le timide rebond économique de la Haute-Savoie ?
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Les gouvernements de la zone euro ne savent plus à quel saint se vouer pour satisfaire des marchés financiers devenus exigeants. La mise en place de plans d'austérité dans de nombreux pays risque d'étouffer
dans l'oeuf la reprise économique qui avait timidement pointé son nez, notamment en Haute-Savoie. Cela peut coûter cher en matière de chômage. Car c'est bien la croissance qui pourrait être la prochaine victime de cette crise de plus en plus imprévisible. Selon certains experts, la dépréciation de la monnaie unique pourrait être le moteur de la croissance européenne au cours des prochains mois. Un euro déprécié de 10 % pendant un an provoquerait un surplus de croissance de + 0,5 point dans la zone euro. Si tel était le cas notre département pourrait être « avantagé» : par ses exportations hors des frontières européennes (20 à 25 % de notre production se fait hors zone euros, ce qui est loin d'être négligeable), par des prix plus attractifs pour la clientèle touristique étrangère (hors zone euros), et aussi grâce à la vigueur du Franc Suisse qui s’est apprécié de près de 10 % en quelques mois par rapport à l’euro. Ce qui profite directement au pouvoir d’achat des 71 000 frontaliers hauts savoyards et gessiens.
La prudence reste cependant de mise, car il n'est pas exclu que les mesures d'austérité budgétaire n'engendrent une nouvelle période de récession et remettent tout en cause. En effet, sur notre territoire, le retour de balancier a eu des conséquences directes dans les entreprises. D'un côté, la production industrielle repart, la Table ronde de Conjoncture d’avril (CCI) indique que 80% des entreprises de décolletage présentent des chiffres d'affaires en hausse par rapport au 1er trimestre 2009. De
l'autre, on constate des effectifs réduits et en flexibilité maximum : l’indicateur avancé de l’intérim présentetoujours un encéphalogramme plat et les heures supplémentaires sont au plus haut. Craignant une rechute de l'activité, les industriels n’ont pas changé leur ligne de défense : ils privilégient et pérennisent les systèmes inventés dans l'urgence pour « rester dans la course ». D'où le rebond de la productivité par salarié : les gains engrangés redonnent de la compétitivité aux entreprises avec le corollaire de mettre sous pression ceux qui sont en emploi. La disparition de fait des 35 Heures en 2007 (détaxation et libéralisation des contingents d'heures supplémentaires) n'a, de ce point de vue, pas eu l’impact escompté sur la croissance des effectifs, bien au contraire : 11 700 emplois perdus en Hte-Savoie en deux ans, dont 6000 dans l’industrie selon l’Insee Rhône-Alpes (Publication « le choc de la crise sur l’emploi » 4T-2009).
Si ces conditions perdurent c’est une opportunité réelle pour relancer les investissements dans les entreprises locales. Pour autant un effet pervers est à redouter : se concentrer sur la seule réduction des déficits en
attendant les effets futurs des investissements, risque de déclencher, dans l'état actuel de la conjoncture, une recrudescence du nombre de sans-emploi dont le volume sera ensuite très difficile à résorber. Avec 29
143 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi en catégorie A (personnes tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi sans avoir travaillé une seule heure dans le mois) l’accroissement du chômage
brut est de + 1,8 % à fin avril 2010. Par rapport à avril 2009, période qui marquait le point haut de la crise, le chômage progresse encore de + 8,6 %. L’Insee officialisera mi-juin le nouveau taux de chômage départemental qui devrait être compris entre 8,7 et 8,8 % au 1er trimestre 2010, soit une hausse prévisible de 0,3 à 0,4 point.
Evolution mensuelle et annuelle par bassin d’emploi :
Le traditionnel clivage entre territoires qui vivent du tourisme hivernal et ceux où cette activité n’est pas dominante est au rendez-vous. La haute vallée de l’Arve (Chamonix – Megève) voit exploser son chômage
mensuel (+ 50,2 %, soit + 742 réinscriptions), le Chablais-Portes du Soleil lui emboîte le pas (+ 6,8 %) et dans un moindre mesure le bassin clusien-vallée du Giffre (+ 1,7 %). Les autres territoires sont en baisse :
Pays de Gex (- 0,7 %) ; Bassin annécien (- 2,8 %) ; Annemasse -VLG (- 3,6 %) et Genève (- 1,1 %).
L’évolution annuelle reste partout orientée à la hausse : Sallanches Chamonix (+ 18,5 %) ; Annemasse-VLG (+ 17,4 %) ; Chablais (+ 14,3 %) ; Pays de Gex (+ 11,9 %) ; bassin annecien (+ 9,6 %) et Genève (+ 7,3 %).
L’exception vient du bassin clusien (- 9 %) où se confirme, pour le second mois consécutif, l’arrêt de l’hémorragie du chômage notamment dans le secteur dominant de l’industrie.
Jeunes : + 13,1 %
Le chômage des jeunes de moins de 25 ans a subi une recrudescence en avril (+ 13,1 %), principalement du fait de la fin de saison d’hiver où ils occupent majoritairement les emplois saisonniers. Les fichiers de Pôle Emploi en comptaient 3816 en catégorie A. Par rapport à avril 2009 (mois qui a subi l’impact maximum de la crise) on observe un léger tassement (- 1,7 %). Leur proportion dans le chômage global en Haute-Savoie s’établit à 13,1 % contre 14,7 % en Rhône-Alpes et 15,8 % France métro.
Licenciements pour motifs économiques (dont CTP-CRP): - 46,2 %
Les licenciements pour motifs économiques et les adhésions CTP font le yo-yo d’un mois sur l’autre et sont ce mois-ci à nouveau en hausse (+ 4 % soit + 246 personnes). Pour la première fois l’industrie n’en est pas la principale pourvoyeuse (1/4 seulement), devancée par le Commerce, l’Hôtellerie-restauration et le BTP (3/4
restants). Sur un an, c'est-à-dire comparativement à la période la plus dure de la crise, les chiffres sont nettement en baisse : - 46,2 %.
Seniors : + 21,1 %
La main d’oeuvre âgée de plus de 50 ans disponible dans les fichiers de Pôle Emploi s’élève à 5726 personnes (catégorie A) soit + 1,5 % en un mois. La marche en avant des inscriptions ne faiblit pas par rapport à avril 2009 (+ 21,1 %). Dans la structure globale du chômage les seniors représentent 19,7 % du total des demandeurs d’emploi de la Haute-Savoie.
Chômage de longue durée : + 76,4 %
Le nombre de personnes au chômage de longue durée s’installe au-dessus des 7000 personnes inscrites (7189 exactement, soit + 0,6 % en un mois). Sur l’année, même s’il se tasse un peu, l’indicateur reste à un niveau élevé (+ 76,4 %). Les demandeurs qui ont plus de 2 ans d’inscription s’accroissent à un rythme plus
soutenu encore (+ 3,3 % sur un mois et + 39,4 % sur un an). Le taux du chômage de longue durée départemental se fixe à 24,7 %, au-dessous des niveaux de Rhône-Alpes (27,3 %) et de la France métro (29,7 %).
Marché de l’emploi : en convalescence
Le total des embauches (intérim et hors intérim) en cumul sur les douze derniers mois glissants est en recul de - 5,6 % (cf. tableau par secteur d’activité ci-dessous). Même si les pertes de contrats CDI et CDD longs s’atténuent : – 2,1 % pour 164 000 contrats signés. Avec 104 000 missions, l’intérim affiche - 10,7 % sur la
même période, soit moins de 9 000 missions mensuelles, ce qui est la plus basse moyenne de la décennie.
Côté Genève le travail frontalier dépasse la barre des 67 000 permis G et, par la même occasion, établit un nouveau « record » historique avec un total de 67 030 (+ 0,5 % en un mois et + 1,6 % sur l’année). Pour sa part avec 38 941 offres enregistrées en cumul annuel, Pôle Emploi confirme le regain du recueil d’offres (+
2,9 %) pour le 3ème mois consécutif. Mais ce volume est en retrait par rapport au cumul d’avril 2009 (- 4,3 %).
Par ailleurs, l’enquête de besoin de main d’oeuvre des entreprises haut savoyardes mentionne plus de 23 143 projets d’embauches en 2010 (cf. cartographie de la répartition par bassin ci-après).