► Après la dégradation de la note souveraine de l’Espagne, la France est-elle à son tour menacée de voir le coût de sa dette renchérir ?
Il ne faut pas dramatiser la situation, la France est loin d’être dans une situation comparable à celle de l’Espagne, encore moins à celle de la Grèce, pour au moins quatre raisons majeures :
1) Les fondamentaux économiques de la France sont bien plus robustes que ceux de l’Espagne : depuis l’éclatement de la bulle immobilière, l’économie espagnole est très affaiblie. Les perspectives de croissance en Espagne sont incertaines (une récession de 0,3% est prévue pour 2010), les ménages et le secteur privé sont surendettés (à hauteur de 178% du PIB) et le chômage a explosé en passant de 8% à l’été 2007 à près de 20% aujourd’hui. A l’inverse, les bases de l’économie française sont saines : selon les dernières prévisions de l’OCDE, la France devrait connaître une croissance proche de 1,7% en 2010, contre 1,2% pour l’ensemble de la zone euro. L’OCDE a aussi revu à la hausse les perspectives de croissance pour 2011, à 2,1% contre 1,7% prévus initialement. En outre, les ménages français sont peu endettés (avec un taux d’épargne supérieur à 15%) ce qui ménage des marges de manœuvre pour la consommation, principal moteur de la croissance en France. Enfin, notre système productif semble être bien placé pour profiter à plein des facilités à l’export ouvertes par la baisse de l’euro.
2) Le déficit français a moins dérapé que celui de l’Espagne en 2009: les déficits publics ont explosé à 11,2% du PIB en 2009 en Espagne contre 8% en France. Par ailleurs, bien des pays développés aux fondamentaux économiques solides, ont un niveau d’endettement comparable ou supérieur à celui de la France sans qu’ils soient aujourd’hui menacés par la dégradation de leur note souveraine : les Etats-Unis sont endettés à hauteur de 92,6% de leur PIB, les Japonais à 227,1%, l’Italie à 118,6%, le Royaume-Uni à 78,2%.
3) Ce qui est inquiétant en Espagne c’est la conjonction d’un fort endettement public et privé, qui n’existe pas en France : la note souveraine de l’Espagne a été dégradée parce que les agences de notations ne voyaient pas comment des ménages endettés pourraient financer l’éclatement de la dette publique. En France le taux d’épargne, l’un des plus élevés au monde, est un gage de solvabilité de l’Etat à long terme et donc du maintien de sa note souverain au niveau du AAA.
4) La France a engagé des mesures fortes pour réduire son endettement et rassurer les marchés : la solidité de l’économie française ne signifie pas que la France peut éternellement se permettre de laisser filer ses déficits sans obérer sa compétitivité et l’avenir de ses enfants. La dette de l’Etat a doublé sur les dix dernières années passant de 687 Milliards d’euros à 1642 Milliards euros, la seule dette de l’Etat représente un coût de 18 174 euros pas habitants. C’est pour cela que le gouvernement a d’ores et déjà lancé un effort considérable de maîtrise de ses finances en annonçant une baisse de 10% de ses dépenses de fonctionnement sur trois ans et la réduction de cinq milliards d’euros des niches fiscales. La réforme des retraites est aussi un signe fort de capacité de la France à se réformer pour améliorer sa compétitivité et financer ses dépenses.
►Si la France n’est pas directement menacée par une dégradation de sa note souveraine, pourquoi doit-elle réduire ses déficits et sa dette publique ?
Le creusement des déficits et la poursuite de l’endettement, c’est :
§ Brider la compétitivité globale de notre pays : selon plusieurs économistes, une dette publique de plus de 90% du PIB (aujourd’hui la France est à 77%), c’est 1 point de croissance en moins,
§ L’assurance, à terme, de devoir remettre en cause notre modèle social que nous ne pourrons plus financer,
§ Supprimer toute marge de manœuvre politique car nous avons des dépenses contraintes trop importantes et plus aucun moyen de financer de nouvelles politiques
Au contraire, réduire les déficits et la dette, c’est :
§ La garantie de renforcer la compétitivité globale de notre pays en rendant notre service public plus efficient,
§ La possibilité de retrouver des marges de manœuvre politiques, qui doivent permettre à l’Etat d’investir dans l’économie et de booster la croissance
§ La sauvegarde de notre modèle social au bénéfice de tous les Français, en particulier les plus défavorisés.
►Le gouvernement avait déjà annoncé un gel des dépenses pourquoi le Président de la République a-t-il annoncé une autre batterie de mesures lors de la conférence sur les déficits le 20 mai dernier ?
Aujourd’hui, avec la brutalité de la crise grecque, nous avons clairement changé d’époque : on arrive au bout de la logique du « dépenser toujours plus ». Pendant des années, les responsables politiques des Etats européens ont entretenu l’illusion que tout était gratuit, alors qu’en réalité nous vivions chaque jour un peu plus à crédit !
Il faut dire franchement les choses aux Français : nous avons en Europe et en particulier en France, un cadre de vie (air, eau, logement, transports…), un système de protection sociale… qui sont les meilleurs au monde. Cela a un coût, et si nous voulons continuer de le financer, nous devons faire des réformes pour traquer les mauvaises dépenses, être plus compétitifs et donc travailler plus.
Il faut donc agir simultanément sur les dépenses et sur notre stratégie de politique économique ! Pour retrouver un sentier de croissance et de prospérité solide, nous devons avancer sur ces deux jambes. Le principe est simple : plus on crée de richesses, plus on est en mesure de financer notre modèle social durablement !
Si nous affichons une orientation claire et que les efforts sont justes, les Français seront prêts à se mobiliser pour préparer l’avenir de leurs enfants. Et dans la situation actuelle, les Français sont davantage angoissés par l’immobilisme que par le changement. Chacun a compris que la situation était grave et qu’elle nécessitait courage et responsabilité !
Le gouvernement a déjà annoncé un effort ambitieux de maîtrise des dépenses publiques avec un objectif de déficit des administrations publiques à 6% du PIB en 2011 et à 4,6% du PIB en 2012. Pour cela il faudra :
§ La poursuite du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, qui a permis de supprimer 100000 emplois depuis le début de la législature
§ La réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat de 10% en trois ans, avec une baisse de 5% dès 2011, grâce aux économies sur les achats, les systèmes informatiques, les véhicules...
§ Le réexamen de toutes les dépenses d’intervention (66 milliards d'euros).
§ La suppression de plusieurs niches fiscales et sociales dès cette année pour dégager 5 milliards d’euros d’économies en deux ans.
C’est aussi dans ce sens que les députés UMP travaillent dans le cadre de la 2ème édition des Etats généraux de la dépense publique. Dès le débat d’orientation budgétaire du 29 juin, les députés UMP feront des propositions concrètes de réduction des dépenses sur tous les secteurs de l’Etat et de la sécurité sociale.
Au-delà de ces mesures conjoncturelles, il faut aussi une action de long terme. Nous devons notamment nous donner les moyens de nos engagements contre les déficits que nous avons été incapables de tenir jusqu’à présent. D’où l’importance de mettre en place une règle constitutionnelle d’équilibre budgétaire qui prévoirait que :
§ Chaque Gouvernement issu des urnes s’engage pour cinq ans à respecter une trajectoire budgétaire qui le mène à l'équilibre à la fin de son mandat
§ Le Parlement exprime ses suffrages sur les engagements du pays en matière de finances publiques vis-à-vis de ses partenaires européens.
Cet effort ne peut s’appliquer uniquement à l’Etat alors que les collectivités locales aux mains de l’opposition font exploser leurs dépenses beaucoup plus vite que ne peut l’expliquer la seule décentralisation, en passant de 7,9 points de PIB en 1980 à 11,3 points de PIB en 2008. C’est pourquoi les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013. En outre, ces dotations seront modulées selon des critères de bonne gestion, dans une logique d’un bonus/malus, pour encourager les collectivités locales à réduire leurs dépenses dans les mêmes proportions que l’Etat.
Enfin, cette nouvelle logique de gestion rigoureuse appliquée à l’Etat et aux collectivités locales concernera aussi l’assurance maladie. Afin de garantir que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté chaque année par le Parlement soit respecté, de nouveaux mécanismes vont être mis en place :
§ Le rôle du comité d’alerte, aujourd'hui chargé de signaler a posteriori les risques de dépassement de l’ONDAM, est étendu. Il se prononcera désormais a priori sur la construction de l’ONDAM. Le seuil de l’alerte de dépassement de l’ONDAM, fixé aujourd'hui à 0,75%, sera progressivement abaissé à 0,5% d’ici 2012-2013 ;
§ Le taux d'augmentation de l’ONDAM continuera d’être progressivement abaissé pour passer de 3% en 2010 à 2,9% en 2011 et 2,8% en 2012. Pour dégager des économies tout en maintenant une qualité de soins élevée, plusieurs leviers nouveaux devront être mobilisés, en particulier les agences régionales de santé, créées en avril 2010, qui vont permettre d'améliorer le lien entre ville, hôpital et médico-social.