La qualité de l’air que nous respirons dans l’agglomération genevoise est-elle saine ? Quelles sont les principales sources des problèmes de pollution urbaine ? Quelles solutions apporter aux problèmes environnementaux de la région genevoise ?
L’Université de Genève, département de Géographie a rendu publique la semaine derniere une étude scientifique sur le sujet. En tant qu’élue régionale, en charge des transports pour l’UMP j’ai été auditionnée l’été dernier. En tant qu’élue j’ai du m’exprimer sur les manières de penser et d’aménager un territoire pour diminuer les pollutions de l’air.
Pour provoquer le débat, les chercheurs sous la houlette de Veronique Stein ont présenté un film « Air comme Respirer ». Un court métrage pour vulgariser une recherche scientifique. Ce film met en exergue les décalages entre un certain nombre d’idées communément admises et des réalités scientifiquement prouvées.
Une quarantaine de personne a été entendue. Je vous livre la synthèse du compte rendu
Enquête qualitative menée auprès d’une quarantaine
de personnalités-clé
l'enquete EN BREF
Quelles sont les solutions et les stratégies potentiellement réalisables dans le contexte genevois actuel ? Y-a-t-il des synergies possibles entre les trois domaines d’action que sont la qualité de l’air, le climat/l’énergie et l’aménagement du territoire régional ?
Face à ces questions, une équipe de chercheurs du département de géographie a souhaité connaître les perceptions et discours d’une quarantaine de personnalités-clé sélectionnées en fonction de leur domaine de compétence (professionnels, lobbies, politiques), leur échelle de pensée/d’intervention (du local au global) et leur appartenance/orientation politique.
1. Les représentations dominantes
- Les personnes interrogées font fréquemment la confusion entre les deux thématiques que sont les gaz à effet de serre (GES) et les polluants atmosphériques, ce qui entraîne des difficultés de communication et de mise en œuvre des solutions envisagées. Quant aux spécialistes des domaines en question, ils envisagent les divers enjeux souvent de façon fragmentée, se cantonnant à leur propre champ d’actions.
- Si la grande majorité des interviewés semble acquise à la cause du développement durable, certains remettent en question l’utilisation « abusive » de ce terme. Un important clivage se fait aussi sentir dès lors qu’il s’agit de définir les liens entre économie et environnement, opposant les protagonistes du « Green New Deal » aux défenseurs de la décroissance.
- L’amélioration de la qualité de l’air dans notre région durant ces quinze dernières années est évaluée « correctement » (par rapport aux données scientifiques) et largement attribuée aux changements techniques mis en place (catalyseurs, essence sans plomb, etc.).
- Actuellement, alors que la qualité de l’air tend à stagner, voire à se dégrader (notamment pour les oxydes d’azote, les particules fines, l’ozone) du fait de l’augmentation de la population et de ses déplacements, les perceptions des interviewés sont plutôt positives, à l’exception des zones fortement urbanisées. Conformément aux résultats des dernières élections cantonales, une accusation très forte est portée aux déplacements individuels motorisés, des frontaliers en particulier.
- Dans le domaine des émissions de CO2, la Suisse est considérée comme « performante », les pays émergents (la Chine particulièrement) et les Etats-Unis étant fréquemment pointés du doigt. De ce fait, les mesures mises en place apparaissent - pour beaucoup - comme « suffisantes ». La question des émissions grises est toutefois largement évacuée.
- Quant aux politiques publiques en vigueur, les critiques portent avant tout sur le manque de courage politique, de vision globale et à long terme et enfin de transversalité, ce qui apparaît comme un message fort envers nos autorités pour envisager des politiques environnementales plus intégrées.
2. Les solutions proposées
- Pour atteindre les objectifs poursuivis, la grande majorité des répondants (80%) préconise une double approche non exclusive, à savoir une combinaison de changements technologiques et comportementaux. Il apparaît – de façon consensuelle - que la technologie seule, tout comme les changements de mode de vie, ne suffit pas à inverser la tendance ; il est donc nécessaire de coupler les deux.
- Parmi les mesures envisagées, la mobilité occupe une part importante, scindée selon le clivage suivant : la gauche revendique un ensemble de mesures plus coercitives envers le trafic individuel motorisé (limitation de l’usage, sanctions aux usagers et limitation du nombre de véhicules), alors que la droite envisage un compromis possible (développement de transports publics à condition qu’il en aille de même pour les transports privés) et opte pour une fluidité accrue du trafic. Seule la question des P+R semble relativement consensuelle, si ce n’est quant à la répartition des coûts (France/Suisse notamment) et à sa gratuité possible.
- Les efforts déployés pour une amélioration du réseau des transports publics sont largement salués ; toutefois, certaines critiques sont émises, comme par exemple le fait que le réseau est peu pensé à l’échelle de l’agglomération ou qu’il fonctionne mal en France pour des raisons à la fois techniques et culturelles. Les propositions qui en découlent vont dans le sens d’une augmentation des financements en vue d’une meilleure attractivité (confort et fréquence), d’une mise en voie propre des lignes de transports en commun, d’un transport à la demande en France, etc.
- Le second domaine d’intervention largement cité est bien entendu le bâti ; si les répondants débattent – dans la lignée de la révision de la loi sur l’Energie - sur la répartition des coûts d’assainissement, ils se positionnent aussi sur des questions plus profondes, tels les blocages « comportementaux » (habitudes des résidents) et « les contraintes architecturales » liés à la réalisation des bâtiments MINERGIE.
3. Les formes urbaines préconisées
Comment la ville doit-elle, selon les personnes interrogées, être organisée afin d’optimiser la qualité de notre environnement ? Quelles sont les formes urbaines favorisant une réduction des polluants atmosphériques et des émissions de CO2 ?
C’est dans ce volet de l’enquête que les « effets de mode » ont été le plus souvent rencontrés ; la ville souhaitée se conjugue pour une large majorité des répondants en trois termes : densité, mixité (de populations et d’activités) et hauteur. Ces propositions renvoient à une ville de proximité (« on peut tout faire à pied »), à taille humaine, bref au concept d’écoquartier ou morceaux de villes conçus à diverses échelles (de l’immeuble à la ville). Si ces discours dénoncent largement les méfaits de l’étalement urbain et du mitage du territoire, les contenus cachés derrière les divers termes (la densité notamment) sont rarement clairs et définis. Enfin, la ville décrite par la plupart des interviewés est bien éloignée de celle à laquelle aspire la plupart des habitants de la région transfrontalière, le modèle de la maison individuelle avec son jardin étant encore prédominant pour une large couche de la population.
Emission de NO2 dans l’agglomération
Recherche élaborée dans le cadre du programme européen Cost C23
« Strategies for a low carbon built environment »
Retrouver l’étude sur www.unige.ch/ses/geo