Rapport Moral Assemblée générale 2015
De réforme en réforme on poursuit notre mission, malgré tout
Depuis 2005 et la loi de programmation pour la cohésion sociale qui les a officiellement introduits dans le code du travail, les Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI) connaissent une succession de réformes qui introduisent souvent le ressenti d’une instabilité préjudiciable du fait d’un certain manque de visibilité et de compréhension des enjeux. Pour autant, la plupart de ces réformes, même si elles sont vécues comme imposées, ont pour objectif de favoriser reconnaissance, structuration et stabilité du secteur.
Trois réformes en cours (en attendant la prochaine étape de la loi de décentralisation et la réforme des collectivités territoriales) ont des impacts significatifs sur l’action et le devenir de nos structures. Ce sont : La réforme du financement de l’IAE, La loi sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale et La loi relative à l’économie sociale et solidaire.
Rappelons nous qu’au début de ces réformes était un rapport. Un document de l’IGAS qui dénonçait le coût exorbitant des Chantiers d’Insertion. Ce rapport de 2012 nous expliquait alors que près de 1,2 milliard d’euros de subventions publiques directes est alloué au secteur de l’IAE pour 57 000 ETP en insertion, soit un coût moyen de 20 900 € par ETP et par an de subventions publiques. Ce coût étant ramené à 42 100 euros par ETP pour les chantiers d’insertion. Tout ceci, financée à 50 % par l’Etat (principalement des aides aux postes), et à 25 % par les conseils généraux, le reste provenant des conseils régionaux, des communes et de l’Union européenne. Malheureusement, ces chiffres de l’IGAS ne correspondaient pas à la réalité de Chablais Insertion qui avait 38 postes ouverts. Selon notre budget de l’époque, un poste « coûte » 28 124 euros par an. Mais en dépenses publiques, il « coûte » 19 734 euros par an. On est donc déjà très loin des 42 100 euros par an, évoqués par l’IGAS. Mais comme on évoquait la dépense publique, il aurait été bon que l’administration n’oublie pas les recettes et richesses créées par notre activité. Impôts et taxes, TVA et taxe sur la consommation, enfin Charges sociales. Soit un versement pour 2012 à l’Etat de 205 085 euros. Au final un poste « coûte » 14 337 euros par an. Soit 1 194 euros par mois par personne en insertion. Et il est évident que ce calcul ne compte pas les charges et impôts versés par nos salariés. On s’éloigne donc de plus en plus des estimations de la haute administration. Malgré une analyse biaisée de l’IGAS et de l’IGF, la Réforme Hamon a été votée. Et elle s’impose à nous depuis 2014.
Qu’est ce que cette réforme ?
Financement des ACI par l’État
Mise en place d’une aide au poste comprenant une partie socle et une partie modulable (de 0 à 10%) au regard de critères de performance. Le socle est de 19 200 euros et part variable pouvant aller jusqu’à 1 920 euros. Indexation de ce socle sur l’évolution du SMIC. Mais pour faire face à la réalité des coûts, le CDDI dans les ACI bénéficie des mêmes exonérations de charges que le CUI/CAE, en dehors des nouvelles charges liées au franchissement des seuils. Et oui, l’administration ne l’avait pas anticipé, qui dit CCDI, dit augmentation de fait du seuil du nombre de salariés et donc augmentation des charges patronales. Aussi le financement, sera basé sur les heures de travail payées. Quid alors de la prise en charge des heures d’absences ?
Si l’on regarde de prêt la logique de financement, on se demande encore si nous avons intérêt à embaucher des personnes en difficulté ? Et pourtant c’est bien là le cœur de la mission d’insertion !
En claire, le montant de l’aide au poste étant lié au nombre d’heures payées, on va devoir embaucher pour compenser les absences. Mais là, nous rencontrons une autre difficulté, le nouveau Statut des personnes salariées en parcours d’insertion (salariés polyvalents).
La grande réforme est le Passage du CUI/CAE (contrat unique d’insertion/ emploi aidé) à un CDDI (CDD d’insertion). En clair, par soucis d’égalité, qui ne veut pas dire équité, les salariés en CDDI entrent dans le calcul de l’effectif ce qui entraîne un changement de seuil pour de très nombreuses structures passant quasiment tous au statut d’employeurs de plus de 10 salariés et pour quelques uns à plus de 50 salariés. D’un seul coup d’un seul, nous passons de petite association à presque une grande entreprise. Se pose alors la question des instances représentantes du personnel. Comment prendre en compte la candidature d’un salarié polyvalent au poste de délégué du personnel pour un mandat de 5 ans, alors que son contrat d’insertion ne peut excéder 2 ans ? Quid des accords collectifs ? Ou encore au niveau du droit, ou nous dit que les salariés polyvalents sont dans le droit commun (avec toutes les contraintes qui vont avec), mais en même temps en tant qu’employeur nous n’avons pas les mêmes droits que les autres employeurs puisque les renouvellements de contrat font l’objet d’une autorisation par les services de l’Etat. Il en va de même pour les augmentations de temps de travail, que nous avons le droit d’opérer, mais avec l’autorisation de l’Etat.
Voici quelques incohérences qui n’ont pas été anticipées au moment du vote de la réforme.
Et l’on n’évoquera pas dans son entier La loi sur la formation professionnelle, applicable depuis le 1er janvier 2015. Le Compte Personnel de Formation (CPF) se substituant au DIF il pourra être mobilisé dès l’intégration du salarié polyvalent dans notre structure, puisque c’est un CDDI. Les premiers effets de cette réforme que nous percevons aujourd’hui, est une baisse globale de l’enveloppe financière de formation, et par conséquent la nécessité de prioriser les actions. Comment alors répondre à l’ensemble des besoins des salariés polyvalents en parcours d’insertion, aux exigences de professionnalisation des salariés permanents, et aux obligations qui incombent à l’employeur en matière de sécurité et prévention des risques professionnels ?
Sans exagération aucune, on peut dénoncer une mise en œuvre mal maîtrisée de la réforme de l’Insertion par l’Activité Economique. Aujourd’hui, on nous impose une réforme sans en connaître toutes ses conséquences tant les choses n’ont pas été anticipées. Au niveau des finances, des équilibres, des missions même d’insertion, sans parler des futures litiges qui peuvent subvenir exposant les présidents d’associations à une responsabilité encore plus lourde.
Pour toute réponse, un représentant de l’Etat m’a dit : « Vous êtes des entreprises de types particuliers. » Et oui… mais cela il fallait s’en rendre compte avant.
Toutefois, Chablais Insertion maintient son cap et défend son objet à travers la lutte contre l’exclusion et l’isolement. Et même si les réformes et autres changements produisent incertitudes et absence de visibilité, la refonte des statuts de l’association n’est pas à l’ordre du jour.
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