Voici le texte que j'envoie ce jour à tous les parlementaires de Rhône-Alpes, tiré d'un édito de la TRibune:
L'Union européenne avait exclu dès 2006 les services de santé de sa directive "Bolkestein" sur le marché unique des services. Il n'y a que la France qui songe encore à libéraliser. Pire, qui compte amorcer la semaine prochaine la mise en œuvre de la libéralisation par voie d'ordonnance sans débat parlementaire.
Quand l'Etat ploie sous le poids du coût de la santé, d'aucuns lui rappellent, parfois de bonne foi, le doux mythe de la concurrence qui fait baisser les prix. Mais en matière de santé, la concurrence conduit très vite à l'entente monopolistique des assureurs comme des fournisseurs de soins qui seront en fait de grands groupes financiers.
Grâce à l'expérience des Etats-Unis qui ont poussé cette logique jusqu'au bout, nul ne peut désormais l'ignorer. Un bilan qui fait figure de cauchemar : tandis que 45 millions de personnes sont privées de sécurité sociale, les Américains consacrent 15% de leur PIB à la santé, soit le coût le plus élevé du monde.
Nous sommes à un tournant de la modernité sanitaire : elle réside désormais dans l'optimisation du coût de la qualité grâce aux leviers de la régulation, et non plus dans la libéralisation.
Alors en France, que s'est-il passé ? Pourquoi le projet de loi du 22 octobre dernier "Hôpital, patients, santé, territoires" mentionne-t-il dans son discret article 20 (supprimé en commission mais pas à l'abri d'une reintroduction) que seront promulguées par voie d'ordonnance des mesures pour "assouplir les règles relatives à la détention du capital" des laboratoires d'analyses médicales ? En 2008, avec l'expérience dont nous bénéficions pour savoir que la libéralisation ne réduit pas les coûts de santé, pourquoi imaginer une telle mesure ?
Que ce soit dit clairement : libéraliser les laboratoires d'analyses médicales, dans la mesure où ceux-ci constituent un maillon essentiel du parcours de soins, signifie amorcer un mouvement de libéralisation qui s'étendra rapidement aux autres professions libérales de santé, comme les sages-femmes et les pharmaciens, et qui a vocation à englober l'ensemble de l'offre de soins. On ne peut donc, sans être inconséquent, présenter le projet de loi comme devant préserver notre système solidaire et permettre, avec ce même projet, à des groupes financiers de posséder des laboratoires.
Il n'est pas acceptable non plus que l'Europe serve d'alibi à cette mesure incongrue. Certes, un groupe financier très actif à Bruxelles a saisi la Commission européenne à deux reprises pour obtenir l'ouverture du capital des laboratoires d'analyses français à des investisseurs non-biologistes au-delà des 25% autorisés par la loi de 1990. Cette deuxième plainte a déclenché une investigation au siège de l'Ordre national des pharmaciens les 12 et 13 novembre derniers. Elle est fondée sur une assimilation contestable des services d'analyses à des services marchands.
Mais il n'existe aucune directive européenne relative à la libéralisation des professions libérales de santé qui puisse contraindre la France. Il n'existe pas non plus de législation européenne classant les laboratoires d'analyse dans le domaine des services marchands, les débats houleux de la directive "Bolkestein" ayant tranché.
Le projet de libéralisation des laboratoires d'analyses médicales est contraire au souhait de solidarité exprimé par 85% des sondés (sondage BVA, AFP 8 octobre 2008) et il est sourd aux enseignements de l'expérience américaine.
Comme il découle d'une initiative imputable au seul gouvernement français, ne laissons pas passer l'occasion d'un débat national qui pose clairement les conditions de la pérennité de notre système de santé.