Il y a quelqu’un qui m’a dit que les chômeurs, et pire les bénéficiaires des dispositifs d’insertion, étaient une charge. Certes. Ce serait mentir de dire l’inverse. J’ai même entendu un témoignage, dans un journal télévisé, d’une femme qui disait que les exclus, elle n’en voulait pas dans sa ville car ils n’étaient pas normaux- « ils ont qu’à travailler comme nous ! » clamait-elle.
Depuis quelques mois, les sans emplois, les personnes en difficulté sont la cible d’une communication qui génère dans l’esprit collectif le sentiment, qu’effectivement, ces gens là pèsent sur les budgets, et sur la société. On ne peut nier que les politiques d’insertion ont un coût. Mais on ne peut nier aussi que les publics en insertion par l’activité économique sont des français qui travaillent.
Les 47 personnes que Chablais Insertion a accueilli en 2007 appartiennent aussi à « la France
qui se lève tôt ». Ce sont des travailleurs qui dès 8 heures du matin, font du bûcheronnage, du balayage, du débroussaillage, de la peinture, de la maçonnerie, et de la fabrication.
Ils ne sont pas à 35 heures. Ils travaillent juste 26 heures par semaine, pour 750 euros. Ils aimeraient faire plus, mais ils ne peuvent pas. Le reste du temps doit être consacré à la recherche d’emploi, à l’accompagnement social, mais il le passe souvent à la recherche d’un logement, au règlement de difficultés administratives, à des traitements médicaux souvent spécialisés, à trouver des solutions à des problèmes personnels lourds…
En 2007, les 47 bénéficiaires de Chablais Insertion ont totalisé 28 894 heures de missions. Des heures de travail qui participent pleinement au développement de notre territoire, à l’embellissement de notre Chablais, à l’entretien de notre patrimoine, à la protection de notre environnement.
En 2007, le coût national moyen annuel d’un Rmiste était de 5 300 euros et celui d’une personne qui travaille en insertion de 7 000 euros (chiffres Fnars). Mais ce dernier produit de la richesse qui est réinjecté dans l’économie locale, paye des charges qui alimentent les caisses de l’Etat et surtout, il se reconstruit en travaillant. Grâce à un contrat d’insertion le bénéficiaire échappe aux conséquences néfastes de l’inactivité : la violence sociale et l’insécurité qui en résulte avec tous les coûts induits que les élus locaux connaissent.
En conclusion, on peut dire qu’il vaut mieux rémunérer une personne pour un travail, même si c’est de l’insertion, que de l’indemniser. La valeur travail vaut pour tous. Le travail est l’un des facteurs le plus important d’une vie sociale. Sans travail on n’existe plus. Et dans l’insertion par l’activité économique on donne plus qu’un simple boulot. On permet à ceux qui sont exclus de revenir vers l’activité, à réapprendre les règles du monde du travail, à redécouvrir les règles de la vie collective, à s’engager dans une formation qualifiante, à trouver sa véritable orientation –j’évoque ici les bénéficiaires dirigés vers le milieu protégé et souvent vers les soins psychiatriques- à reconstruire leur vie et parfois à se révéler, à apprendre des savoirs faire, mais aussi du savoir être. Peu, au bout du compte, ont vocation à être assisté.
Il est illusoire de croire que, parce que l’économie va bien, tous iront naturellement sur le marché du travail comme cela. Sans coup de pouce. Sans contrat aidé. Sans soutien social. Il faut avoir conscience que notre public est parfois illettré, sorti de prison, handicapé, toxicomane, SDF, n’ayant connu aucune autorité parentale…. J’imagine mal ce public dans une entreprise, sans être passé par notre structure. Je ne veux pas ici, justifier notre existence, je veux juste que l’on prenne conscience du fait que si les contrats aidés n’existent plus, que l’insertion par l’activité économique n’existe plus, on prend le risque de laisser les plus fragiles en dehors de la société du travail, c'est-à-dire dans une situation d’assistance, en total contradiction avec les objectifs affichés.
Nous sommes conscients des difficultés financières de notre pays. Nous avons conscience que l’ensemble de la Nation
doit faire un effort. Nous acceptons la politique d’objectif, nous la souhaitons même. Les bénéficiaires eux-mêmes demandent des limites et des règles. Mais les contraintes et les obligations de résultats sont encore mieux comprises lorsque la politique d’insertion se montre cohérente, qualitativement et quantitativement, avec de véritables dispositifs d’accompagnement. De la qualité de l’accompagnement dépendra la qualité des solutions que nous voulons tous durables.
Donc si nous devons retenir deux choses de mon rapport moral, ce serait, que les bénéficiaires des contrats aidés sont des travailleurs, et que nos structures sont des antichambres nécessaires à l’entreprise.