Le Gouvernement publiera d’ici fin 2010 la DTA pour les Alpes du Nord. Cette Directive d’Aménagement Territorial fait l’objet de discussion depuis plus d’un an, et est soumise à l’avis des collectivités d’ici le printemps prochain.
Près d’un tiers des Rhônalpins est concerné par cette DTA. Le débat est important puisque l’on engage par cette directive l’aménagement de 4 départements (Haute-Savoie ; Savoie, Isère et Drôme) pour les 20 à 25 prochaines années. La DTA c’est la règle du jeu que nous fixe l’Etat pour les règles d’urbanisme que nous décidons en tant qu’élus locaux dans nos communes avec les PLU, dans nos intercommunalités avec les SCOT. Ces orientations accompagnées de leurs modalités d’appréciation ou de déclinaison ont une valeur prescriptive et s’imposent aux documents d’urbanisme de rang inférieur (SCOT, PLU…) conformément aux dispositions du Code de l’Urbanisme. En l’état actuel des choses s’est ainsi que cela va se passer. Pour autant, il est à noter, que le projet de loi portant « Engagement national pour l’environnement », appelé également Grenelle 2, traduit une volonté de simplifier les DTA, et prévoit que celles-ci ne soient plus opposables aux documents d’urbanisme de rang inférieur (article 5), renforçant par la même, les prescriptions des SCOT et des PLU (articles 9 et 10). On nous fixerait donc plus que des conseils d’équilibre entre développement, protection de l’environnement et mise en valeur de nos territoires.
L’exécutif actuel du Conseil Régional souhaite que cette DTA soit opposable. C’est ce qu’il a communiqué au Préfet de Région dans son avis officiel. Je ne comprends pas ce côté obtu, et constant de méfiance envers les élus locaux qui rédigent les SCOT dont découlent les PLU. Contrairement à ce que l’on peut penser, les élus ne sont pas des bétonneurs. Il faut arrêter d’avoir cette vision rétrograde des maires qui ont la responsabilité de l’aménagement de leur commune. Si cette DTA reste opposable, il y aura de fait une mise sous tutelle en matière d’urbanisme des élus locaux. Ceci n’est pas entendable. Les Maires et les Présidents de Syndicats Intercommunaux ou de Communautés de Communes ont besoin que les services de l’Etat les conseillent et les accompagnent dans leurs projets, dans le cadre de la loi. Les élus locaux ont besoin que le Conseil Régional entende cela et fasse de même. Les élus locaux sont inquiets, d’autant plus que cette DTA en l’état actuel peut représenter un danger juridique pour les élus. Trop de notions y font l’objet d’imprécision, et peuvent donc créer des conflits d’interprétation, et être source de recours.
Autre inquiétude : dans cette DTA, les objectifs de croissance démographique sont minorés. De nombreuses prescriptions se basent sur une croissance démographique imputée aux chiffres des recensements de 1990-1999, soit vieux de plus de 10 ans ! Un diagnostic obsolète peut avoir des conséquences non négligeables. Dans le même temps, la DTA réaffirme et amplifie la place des pôles majeurs sur le territoire. Cette prescription peut être considérée comme une menace pour les pôles complémentaires (Agglomération de Thonon) qui bénéficient d’une croissance démographique qui va bien au delà des prévisions de la DTA. Je ne souhaite pas que les services publics actuellement en place dans les pôles complémentaires soient reportés sur les pôles majeurs. Le Conseil Régional actuel ne souhaite pas se battre sur ce point soutenant de fait les objectifs de polarisation des équipements publics du territoire.
Pour ce qui est encore des problèmes démographiques, j’ai bien conscience de l’importance de réguler la croissance dans un souci de lutte contre l’étalement urbain. Le problème est que la DTA affiche clairement sa volonté de limiter la croissance démographique des territoires. Je pense, qu’il y a un problème de fond. La DTA doit se concentrer sur la limitation de la consommation de l’espace, et non sur la limitation de la démographie qui ne peut être en aucun cas un but en soi. De plus l’effet pervers en serait un perte de la vitalité de nos territoires, et cela on ne peut l’accepter et il est dommage que le Conseil Régional sous la pression des Verts ne soutienne pas cette remarque.
Parlons aussi du logement social. La DTA va plus loin que l’article 55 de la Loi SRU sur les obligations de construction de logements sociaux. Elle prévoit 25 % pour les grands pôles et pôles complémentaires au lieu de 20 % dans la Loi SRU. Elle prévoit 20 % pour les pôles locaux alors qu’ils ne sont soumis à aucune obligation légale à ce jour. Comment le Conseil Régional peut accepter qu’une Directive aille plus loin que la loi, sans se poser la question de la difficulté pour les petites communes de construire ces logements. Difficultés financières, bien entendu, notamment en zone de montagne où nous connaissons tous la cherté du terrain qui rend de fait impossible tout équilibre des promotions sociales. Il nous faut donc dans un premier temps réfléchir sur le financement du logement social, avant d’en imposer la construction.
Comme tout le monde, je partage un tourisme respectueux de l’environnement et de la préservation des ressources. Les élus locaux ont conscience de l’importance de protéger notre capital nature qui est notre meilleur argument publicitaire. Il est dommageable que la DTA et le Conseil Régional prescrivent que le développement touristique s’appuiera sur le patrimoine existant. Tout comme elles prévoient que « pour toutes les zones humides on évitera, même dans les zones environnantes, tout classement, opération ou projet qui aurait pour effet de compromettre leur vocation. Nous avons ici un exemple concret du danger de cette Directive. On y interdit dans toutes les zones humides, d’intérêt majeur ou pas, donc dans une grande majorité des zones de montagne le moindre projet et ce sans échappatoire. Que ce projet soit un simple prélèvement d’eau, à usage potable, agricole ou autre. Ce cas précis, doit nous interpeller sur les recours rendus possibles et sur l’engagement de la responsabilité des élus.
DTA est nécessaire, nul n’en doute. Mais non à une DTA opposable qui sera une mise sous tutelle des élus, mais oui à une DTADD non opposable qui nous accompagnera dans notre mission majeure qui est l’aménagement de notre territoire avec une vision plus actuelle du partage de l’espace et des enjeux, conduisant tout naturellement à une approche environnementale.