En Haute-savoie seule Virginie Duby-Muller a signé cet appel.
Lire leur édito :
http://www.valeursactuelles.com/dossier-dactualité/dossier-dactualité/contre-dénaturation-mariage-36-parlementaires-demandent-un-réf
Jaurès avait raison : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » C’est particulièrement vrai du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe. Cette revendication juridique est l’aboutissement d’un combat sémantique, dont ne sortiront indemnes ni les notions de famille et de parentalité, ni la définition de nos grands principes républicains. Enrôler la liberté, l’égalité et la fraternité dans cette révolution, comme le fait la dernière proposition de loi déposée sur ce sujet au Sénat, et comme le prétend le gouvernement, c’est risquer de fragiliser le
socle de notre pacte collectif.
Notre conception est que “le droit au mariage et à l’adoption pour tous” dérive d’une conception erronée de la liberté. Dans un État de droit, la liberté n’est pas la satisfaction illimitée des désirs de chacun. C’est pourquoi le législateur ne peut être le greffier de toutes les revendications
particulières, ni la République un self-service normatif. Érigé sur la base de certains interdits fondateurs, le mariage pose au contraire un cadre juridique protecteur des plus fragiles.
Par le mariage, l’État n’officialise pas une relation affective de l’ordre de l’intime, ce qui n’est pas de son ressort, mais une institution sociale dont l’intérêt particulier rejoint l’intérêt général, à savoir le renouvellement des générations. Le mariage n’est donc pas d’abord la reconnaissance d’une volonté, ni d’un sentiment : nul besoin de se marier pour s’aimer. De même, l’adoption n’est jamais un droit absolu, mais toujours relatif à l’intérêt de l’enfant. L’adoption ne doit pas avoir d’abord pour objectif de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant.
Cette notion de famille nous renvoie d’ailleurs au principe d’égalité. Refuser le mariage et l’adoption à un couple de même sexe est-il discriminant ? Nous ne le croyons pas, car l’égalité ne peut s’appliquer qu’à deux situations identiques. Or il y a une différence de fait entre un couple composé d’un homme et d’une femme et un couple de même sexe. Comme l’a reconnu le Conseil constitutionnel en janvier 2011, cette différence de situation justifie la différence de traitement opérée par le droit de la famille. Le code civil fonde le statut de parents sur l’altérité sexuelle. S’affranchir de cette réalité objective, c’est faire reposer la filiation sur des considérations subjectives, telles que l’attachement affectif ou l’investissement éducatif. Pourquoi dès lors garder la référence à la dualité et ne pas accéder à la reconnaissance de communautés de vie plus élargies ? La réponse à cette question est évidemment dictée par l’intérêt de l’enfant. Comme toute personne, celui-ci est un sujet de droit, non un objet de droits. Voilà pourquoi la liberté et l’égalité, qui
sont des droits pour soi-même, se pèsent toujours au trébuchet de la fraternité, qui est un devoir envers l’autre. Or quel devoir plus impérieux que d’assurer le bien-être d’un enfant ? La double référence paternelle et maternelle permet à l’enfant de se situer dans la chaîne des générations. Elle
lui permet aussi de construire son propre équilibre, fondé, comme tout équilibre, sur l’altérité. Comme le rappelait Lionel Jospin en 2004 : « La dualité des sexes caractérise notre existence. » Comment se connaître sans connaître l’autre ? Comment savoir où aller sans savoir d’où l’on vient ? Il y a là un enjeu essentiel pour les générations futures. À l’heure des questionnements adolescents, un tel brouillage des repères originels risque de blesser bien des identités.
En définitive, le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe visent non pas à combler un vide juridique, mais à donner à une fiction anthropologique les apparences de la réalité… Quitte à tordre la définition de nos principes fondateurs. De cette ab straction naîtrait une mutation
fondamentale du mariage et de la famille, avec, pour conséquence, non pas d’en élargir le sens mais de le modifier radicalement. Cela nous conduirait à deux évolutions majeures. La première à court terme, avec la disparition des appellations de “père” et de “mère” au profit d’expressions de type “parent 1” et “parent 2”. La seconde à moyen terme, avec la légalisation prévisible du recours aux mères porteuses, véritable incitation à la marchandisation du corps humain.
C’est dire si la question du mariage sexué, principe fondamental de notre République, qui ne l’a jamais remis en cause malgré les alternances politiques et les évolutions sociologiques, concerne la société tout entière. C’est pourquoi nous demandons l’organisation d’un référendum sur ce projet portant sur “une réforme relative à la politique sociale de la nation”, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution. Il serait en effet paradoxal que le “mariage pour tous” ne soit pas l’affaire de tous ! ”